Capitaine Thomas Sankara

CTS_Laika_Films

Archives de la révolution au Burkina Faso,
« le pays des hommes intègres »

de Christophe Cupelin

Documentaire, Suisse, 2012-2014, 90 minutes
VO français – Sous-titres: allemand, anglais, espagnol

Prix du public, Festival Black Movie, Genève, Suisse, 2013

www.capitainethomassankara.net
www.facebook.com/CapitaineThomasSankara

Contact: mail@laika.info

Générique

production: Nicolas Wadimoff & Christophe Cupelin
réalisation & scénario: Christophe Cupelin
image & montage: Christophe Cupelin
montage son & mixage: Philippe Ciompi, Perspective Films
tournage additionnel: Abel Sankara
musique additionnelle: The Ex, Fela Kuti
postproduction: Freestudios, Genève

Production et distribution

production, distribution, droits mondiaux: Akka Films, Nicolas Wadimoff & Christophe Cupelin
soutien financier: Coproduction Radio Télévision Suisse – Unité des Films Documentaires, Irène Challand & Gaspard Lamunière
Avec la participation de Cinéforom et le soutien de la Loterie Romande
Réalisé avec le soutien de l’Office fédéral de la culture – DFI, Suisse, et Succès passage antenne, SSR SRG et Fondation éducation21/Films pour un seul monde avec le soutien de la Direction du développement et de la coopération – DDC

Format de diffusion

DCP, couleur & n/b, stéréo 5.1 & 2.0

Diffusion

Sortie au cinéma en Suisse romande, septembre 2014
Première mondiale: VISIONS DU REEL, Nyon, Suisse, 20-27 avril 2012

Pitch

Un portrait en archives de Thomas Sankara, président du Burkina Faso de 1983 à son assassinat en 1987. En voulant affranchir son pays et transformer les mentalités de ses concitoyens, en contestant l’ordre mondial et en questionnant l’autorité des puissants de son époque, il a marqué l’histoire de l’Afrique et du monde.

Synopsis

Thomas Sankara devient président de la Haute-Volta à la faveur d’un coup d’Etat le 4 août 1983. Une année après, il marque définitivement l’histoire et l’identité de son pays en le rebaptisant “Burkina Faso”, littéralement la “Terre des Hommes intègres”.

Bien au-delà des frontières de son pays, il a représenté un immense espoir pour une grande partie de la jeunesse africaine. Il a conduit une révolution “démocratique et populaire”, et apporté davantage de progrès pour les populations pendant les quatre années de sa présidence que durant un demi-siècle de colonisation française.

Sa politique d’affranchissement du Burkina Faso, qui promeut notamment l’autosuffisance de la nation sur le plan alimentaire, l’amène à prendre radicalement position contre toute forme d’influence impérialiste ou néocoloniale, et lui fait adopter un discours sans ambages à l’égard des puissants de son époque.

Sankara tente de réformer en profondeur la société civile, qu’il considère comme encore figée sur le modèle féodal, en luttant contre les inégalités entre hommes et femmes, l’analphabétisme, la corruption, les privilèges des fonctionnaires… Encourageant le peuple burkinabé à reprendre le pouvoir sur sa propre destinée, il associe les citoyens à son combat contre la malnutrition, la soif ou la diffusion des maladies.

Mais en dépit des succès apparents et de la popularité de sa révolution, Sankara est contesté en coulisses. Il est brusquement assassiné le 15 octobre 1987 lors d’un coup d’Etat que l’on dit organisé par Blaise Compaoré, l’homme qu’il considérait comme son frère, actuel président du Burkina Faso. Le nouveau régime s’efforce ensuite d’effacer le souvenir de quatre années de présidence Sankara.

Aujourd’hui, à travers un montage d’archives rares méticuleusement rassemblées, le réalisateur Christophe Cupelin offre une vision complète de l’héritage intellectuel et politique de ce chef d’Etat atypique. En conférant à son documentaire l’énergie d’un manifeste punk, entre idéalisme et ironie, il restitue fidèlement l’atypisme de ce chef d’Etat, percutant dans son action comme dans ses propos. Vingt-cinq ans après sa disparition tragique et officiellement non élucidée, ce film donne enfin à voir et à entendre la parole de Thomas Sankara, l’un des plus importants leaders africains du 20ème siècle.

Entretien avec le réalisateur

Pascal Knoerr: D’où provient votre intérêt pour le Burkina Faso et Thomas Sankara ?

Christophe Cupelin: Je me suis rendu une première fois au Burkina Faso en 1985. La découverte de la révolution Burkinabé fut un choc et une révélation pour le jeune homme de dix-neuf ans que j’étais. Pour tous ceux de ma génération, africains ou non, qui ont connu Thomas Sankara, il représentait alors non seulement l’espoir d’une société plus juste au Burkina Faso mais encore l’espoir d’un monde meilleur pour tous. Ce président innovant qui parlait avec verve et humour de problèmes sérieux, notamment à la radio nationale du Burkina, a laissé une trace indélébile dans ma mémoire.

Plus précisément, qu’est-ce qui faisait de Sankara un chef d’Etat atypique ?

La renommée de Thomas Sankara a littéralement traversé les frontières de son pays et du continent africain. Il était considéré comme le président des pauvres, le porte-parole des laissés pour comptes. C’était un révolutionnaire anti-conformiste, même vis-à-vis de son propre camp. Par sa probité, son intégrité et son charisme, il a été celui qui a « osé inventer l’avenir », selon sa propre formule.

Il appartenait à la nouvelle génération apparue en Afrique dans les années 1980, de jeunes militaires révolutionnaires épris d’intégrité et de liberté. « Sans formation politique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance », disait-il, marquant ainsi sa différence. Ses déclarations ont fait trembler les pouvoirs et inquiété les chancelleries, au nord comme au sud. Et sa mort aux accents tragiques a contribué à faire de lui une figure mythique de l’histoire contemporaine africaine adulée par les jeunes Africains.

Aujourd’hui, la majorité des Burkinabés gardent de Thomas Sankara l’image d’un homme intègre, qui a changé les mentalités de ses concitoyens et donné une dignité à son pays. Une image et un idéal qui résistent au temps, Thomas Sankara étant toujours perçu comme le « père » fondateur de la nation.

Pourquoi avoir choisi le cinéma pour raconter son histoire ?

C’est lors de séjour initial au Burkina Faso que j’ai tourné mes premières images en super-8 et que j’ai décidé de « faire du cinéma ». Aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, ce film me ramène à ces origines de ma pratique cinématographique, aux espoirs qui nous habitaient alors, à ce temps où l’histoire semblait s’écrire en direct…

Pour ce qui est de la matière première, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur des images d’archives remontées à la surface en 2007, année du vingtième anniversaire de sa mort. En effet, jusqu’alors, les traces audiovisuelles concernant Sankara et la révolution Burkinabé avaient disparu ou étaient du moins restées invisibles. Cette année-là, des archives importantes, libres de droits, sont apparues sur Internet; deux films pour la télévision, contenant chacun leur lot d’images inédites, ont été réalisés en France, et j’ai moi-même trouvé de nouvelles archives.

Comment le récit de votre film s’est-il articulé autour de ces archives ?

Ces images sont très importantes pour l’Histoire et nous permettent de découvrir Thomas Sankara à l’œuvre, son charisme et son importance en Afrique. Sa personnalité crève l’écran quand il tente de convaincre du bien-fondé de sa révolution avec éloquence, brillance et humour. On voit aussi la façon dont il est perçu par les médias occidentaux – surtout français – durant les années 80. Tour à tour, Sankara est qualifié de marxiste, d’homme de Kadhafi, d’anti-français, voire de dictateur…

Ces différents lots d’archives enfin rendues publiques et accessibles, auxquels s’ajoutent mes archives personnelles récoltées sur place au Burkina Faso depuis mon premier séjour en 1985, m’ont permis de développer un récit fort, captivant et plus approfondi sur Thomas Sankara et la révolution Burkinabé. La construction narrative du film s’est fondée à la fois sur ma propre expérience vécue en direct au Burkina Faso, sur l’ensemble des sources écrites et non écrites disponibles à l’heure actuelle, et sur le recueil d’une mémoire orale transmise par différentes personnes qui ont fréquenté de près ou de loin Thomas Sankara.

Votre film aborde bien sûr le flou entourant la mort du président Sankara…

Il n’y a jamais eu d’enquête sur les circonstances de la disparition de Thomas Sankara. Le certificat officiel de son décès produit trois mois après sa mort, mentionne seulement, qu’il est décédé de « mort naturelle ». Sa tombe supposée se trouve au cimetière municipal de Dagnoen, banlieue ouest de Ouagadougou, où une commémoration a lieu annuellement tous les 15 octobre.

Le principal suspect de l’assassinat de Thomas Sankara est son meilleur ami, Blaise Compaoré, « numéro deux » durant la période révolutionnaire de 1983 à 1987 et aujourd’hui toujours président du Burkina Faso. Cette tragédie humaine, brutale, entre « frères d’armes», contribue à donner une dimension mythologique au récit.

On peut tuer un homme, mais on ne tue pas ses idées : cet adage s’adapte parfaitement bien à la figure de Thomas Sankara qui nous lègue une expérience sociale et politique complètement nouvelle et totalement singulière. D’une certaine manière, Sankara existe encore bien plus en étant mort que vivant. Il s’agit désormais de restituer la mémoire de sa parole à la fois aux Burkinabés et à l’ensemble de la communauté internationale.

Propos recueillis et mis en forme par Pascal Knoerr
© Avril 2012

Festival Visions du réel : Sankara président !

François Ekchajzer / Télérama / 22 avril 2012

Si la liesse socialiste n’anime pas plus les rues de Nyon que la vague brune-marine la surface du lac de Genève, il est abondamment question de politique à Visions du réel, et de la plus belle eau. De celle qui se soucie du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de l’éternel combat pour la liberté – qu’il s’exerce dans le cadre d’un groupe punk finlandais, d’une maison d’arrêt française ou d’une prison turque.

Ce dimanche, pendant que l’entourage des candidats à la présidentielle se disputait outre-Léman autour des résultats du premier tour, le festival de Nyon rendait hommage à un président disparu, passablement oublié, illustre et valeureux, issu, non du suffrage universel, mais d’un vulgaire coup d’Etat. Un président auquel le Suisse Christophe Cupelin a consacré un documentaire présenté à 20 heures.

Capitaine Thomas Sankara rend compte de la révolution conduite par cet ancien Premier ministre, qui provoqua le changement dans un petit pays d’Afrique (la Haute-Volta), dont il commença par transformer le nom en Burkina Faso (« pays des hommes intègres »). En pas loin de deux heures, ce film de montage évoque, à travers sa parole franche et teintée d’humour, les chantiers que Sankara conduisit, de l’été 1983 à l’automne 1987, en faveur de l’indépendance politique du pays, de son désendettement, de son autosuffisance alimentaire, mais aussi de l’éducation des jeunes, de l’émancipation des femmes et de l’éradication de la corruption.

« J’avais 19 ans et je ne savais rien de lui quand, en 1985, je suis allé au Burkina dans le cadre d’une mission humanitaire, une caméra Super 8 dans mes bagages », explique Christophe Cupelin qui découvrit alors ce qu’il allait faire de sa vie. Lui, qui n’avait jamais quitté l’Europe, se prit aussitôt de passion pour ce pays et sa révolution, au point de vouloir les filmer. Intention redoublée après l’assassinat, le 15 octobre 1987, de celui dont le nom est devenu tabou dans un pays présidé depuis lors par Blaise Compaoré, ami intime de Sankara impliqué dans sa mort – sur laquelle la lumière n’a jamais été faite. Hormis une plaque de rue à Ouagadougou, nulle trace de ses quatre ans de présidence dans la mémoire nationale. « Je me souviens avoir parlé de Sankara à une Burkinabè de 25 ans, qui savait juste qu’il avait dirigé le pays et qui avait de lui une image plutôt négative. Quand je lui ai parlé de ce que j’avais vu et vécu en 1985, elle ne m’a pas cru. C’est un peu pour elle que j’ai tenu à faire ce film. »

Depuis 1991, Christophe Cupelin collecte inlassablement les archives écrites, sonores et audiovisuelles ayant trait à Thomas Sankara. Un travail d’autant plus difficile que la télévision burkinabè ne dispose officiellement d’aucune image de la période et que, sur place, l’indifférence prédomine. La force de son film, déjà préacheté par la télévision suisse romande et qui pourrait (croisons les doigts) sortir en salles en France, tient pour une large part à la précieuse richesse des documents qui le composent, récupérés ici ou là, et qui donnent à entendre le président défunt jusque dans l’expression de ses doutes, dans la reconnaissance de ses erreurs et dans le pressentiment de sa fin.

source: telerama.fr

Interview de Christophe Cupelin à écouter sur la RTS – Espace 2

Interview réalisée dans le cadre du festival Visions du réel